22ème dimanche du Temps Ordinaire - 1er septembre 2019

Lc 14, 1.7-14

 

Si nous prenions cette parabole pour nous ? Si nous Catholiques, membres et représentants de l’Eglise, nous nous reconnaissions dans l’attitude de ces invités qui prennent les premières places auprès du Maître des noces, le Christ, la Vérité incarnée : n’est-ce pas ainsi que nous nous comportons quand nous sommes convaincus de détenir la vérité ? Alors que le débat a repris sur les questions de bioéthique, ne devrions-nous pas nous interroger sur notre certitude de détenir, par notre lien au Christ, la vérité ? Notre mission est-elle de l’annoncer, lui le Sauveur des hommes, ou de le représenter, lui le Juge des vivants et des morts ?

Nous devons nous interroger sur le rôle que nous aurions d’éclairer les consciences. L’Esprit-Saint est la lumière de la conscience. Nous ne pouvons pas tenir en même temps que Dieu parle à toute personne en son cœur et nous substituer à Lui. Est-ce qu’un raisonnement peut toucher le cœur ? La meilleure façon d’éclairer les consciences n’est-elle pas de purifier la nôtre, de suivre l’exemple du Christ, plus proche des pauvres que des élites de son temps ?

C’était un jour de sabbat que « Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient ». La discussion, ‘sautée’ dans le passage que nous avons entendu (Lc 14, 2-6), porte sur la guérison, le jour du sabbat, d’un malade, atteint d’hydropisie. Les problèmes de législation ne sont pas nouveaux ; ils existaient du temps de Jésus ; ils ne sont pas toujours solubles. Tant de problèmes législatifs que nous ne savons pas résoudre aujourd’hui. Il y a, pour prendre un exemple, des centaines de milliers de conducteurs qui roulent sans permis : qu’est-ce qu’on fait ? On change la loi ? Nous sommes bien placés dans l’Eglise pour savoir qu’on ne peut pas tout réglementer.

Dans le débat sur la bioéthique, vont revenir les questions sur la nature de l’embryon, le statut du fœtus et de la vie naissante. Nous y sommes très sensibles parce que nous vivons de l’Espérance de la vie éternelle, dont nous ignorons tout comme l’enfant dans le ventre de sa mère ignore tout de ce qui l’attend. La comparaison s’arrête là parce que la vie intra-utérine était sans doute un bonheur comparé à la vie présente, à l’inverse de ce que nous espérons de la vie éternelle. La majorité de nos contemporains n’ont pas cette Espérance et acceptent que l’embryon ne devienne un sujet de droit qu’à sa naissance au monde. Pourtant, nous sommes tous passés par là, nous l’avons tous été, et la sagesse nous invite à ne rien renier de ce que nous avons été, déjà connus et aimés de Dieu : « Mon embryon, tes yeux le voyaient » (Ps 139, 16). « Seigneur mon Dieu, mon espérance, mon soutien dès avant ma naissance, tu m’as choisi dès le ventre de ma mère ; tu seras ma louange toujours ! » (Ps 70, 6).
Nous sommes très attachés au couple de l’homme et de la femme, à la famille comme lieu de la génération, parce qu’elle est la figure naturelle de la communion des personnes. Comme nous sommes très sensibles à toutes les questions de filiation parce que c’est le sens de notre baptême, la filiation adoptive par laquelle nous devenons enfants de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
Sur tous ces sujets de commencement et de fin, de vie et de mort, de génération et de filiation, pouvons-nous accepter de ne pas aller prendre trop vite place à côté de la Vérité incarnée, le Christ ? De ne pas nous prévaloir de la relation que nous avons avec lui. Nous en réjouir, oui. La partager, oui. Nous en prévaloir, non.

Lorsque quelqu’un t’invite à un repas de noces, dit Jésus, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré, plus digne que toi. Nous savons quel est aux yeux de Dieu le critère de considération ou de dignité : il n’est pas celui de la science mais de la charité.
Sur ces sujets de bioéthique, il est remarquable que non seulement chacun est convaincu de détenir la vérité, mais également de faire œuvre de charité, ambition que chacun se renvoie avec le même aplomb, convaincu de défendre des droits : du droit d’avorter pour les personnes qui ne veulent pas un enfant ou un type d’enfant, du droit inverse d’avoir un enfant, dans des situations de vie de plus en plus variés. C’est l’argument que vous connaissez : si la science et la technique peuvent apporter une aide, pourquoi refuser ?
Ne faites pas à vos enfants ce que vous n’auriez pas voulu qu’on vous fasse, règle d’or. Nous croyons que la charité ne consiste pas à satisfaire toutes les demandes. Elle consiste à faire un choix, sachant que nous ne pouvons pas tout faire. Arrêtons de laisser croire que tout est possible, de flatter la toute-puissance humaine. Si la charité se traduit en actes, elle est un choix de vie qui privilégie ceux qui en ont le plus besoin, et qui souvent ne le demandent pas, ainsi que le dit la deuxième partie de l’évangile de ce dimanche, la deuxième parabole qui demande ce choix, ‘l’option préférentielle pour les pauvres’.
Il serait absurde qu’au moment où les services médicaux de notre pays, parmi les meilleurs du monde, manquent de plus en plus de moyens pour les urgences les plus basiques, nous en élargissions le champ, dans des domaines sans fin. Ce qui est éthiquement contestable doit-il être automatiquement remboursable ?
Le malade que les Pharisiens ne voulaient pas guérir le jour du sabbat (Lc 14, 2) était atteint d’hydropisie, un gonflement d’eau, symbole de leur orgueil, comme dans la fable de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf : la première question éthique, avant celle des possibilités techniques, est celle des possibilités et choix économiques pour assurer à tous des conditions de vie plus dignes, de soins, de santé, de logement, d’éducation, de travail.

L’un de vous est venu me voir, inquiet que l’Eglise s’isole du monde, de l’écart entre des œuvres admirables de soins, d’action sociale, d’éducation, etc., et des prises de position péremptoires. Les gens aiment beaucoup ce que nous faisons, pas ce que nous disons.
Nous avons, nous chrétiens, disciples du Christ, trois mandats par lesquels mettre en œuvre la Charité du Christ qui sont : l’espérance, le pardon, et la grâce, la gratuité.
Dans tous les sujets de société, nos convictions procèdent de l’espérance de connaître le bonheur éternel et filial auprès de Dieu. La condition est la réconciliation avec Lui, et entre nous. Nous réconcilier avec ceux que nous éloignons du Christ par des déclarations brutales et inappropriées. Quant à la grâce, elle nécessite d’être mieux comprise : la gratuité n’est pas ce qui est payé par quelqu’un d’autre que par soi. Elle est la marque du service fraternel auquel le Seigneur nous convie : occupez-vous des malades et des pauvres. « Heureux seras-tu, dit Jésus, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes ». « A ces mots, poursuit le texte, l’un des convives lui dit : Heureux celui qui prendra son repas dans le Royaume de Dieu ! » (Lc 14, 15). Puis-je vous inviter à aller voir dans l’évangile la réponse de Jésus ? Vous verrez : elle est sévère. Elle nous renvoie à la seule question à nous poser : comment toucher les cœurs ?

C’est l’Esprit qui vivifie, qui donne la vie. C’est l’Esprit-Saint qui fait l’unité, que le Christ a promis et donné, pour que nous comprenions que l’amour ne peut qu’unir et faire grandir. Ce que nous contemplons sur la Croix, le cœur transpercé de Jésus, est le signe de ce que nous avons tous à vivre, se laisser toucher au cœur par l’amour. L’eau qui est sortie, avec son sang, de son cœur transpercé, c’était notre orgueil. C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres, dit Jésus, que l’on saura que vous êtes mes amis.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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