Est-ce que tu m’aimes ? On s’attache souvent davantage aux termes employés pour ce verbe aimer, d’amour ou d’amitié, qu’à la mission que Jésus donne à Pierre : « Sois le berger de mes agneaux », en latin « Pasce agnos meos », le mot paître résonnant en français comme la paix, donne cette paix à mes agneaux, puis : « Sois le pasteur de mes brebis », « Pasce oves meas ». Peu importent les différences entre le grec, le latin que l’Eglise a prié pendant vingt siècles, et le français, il s’agit dans tous les cas des agneaux et des brebis, des petits du troupeau et de leurs mères, les petits agneaux et les brebis qui les allaitent pendant deux ou trois mois avant leur sevrage.
Nourris mes brebis et protège mes agneaux et leurs mères. A quelques jours de l’ouverture du Conclave pour l’élection du successeur de Pierre, on peut l’entendre comme un des enjeux de l’Eglise aujourd’hui, le combat à mener par l’Eglise et dans l’Eglise pour l’égalité de dignité de l’homme et de la femme.
Le Pape François avait raconté comment il avait choisi son nom, après que le cardinal Hummes lui avait dit en le félicitant : « N’oublie pas les pauvres », reprenant une phrase de saint Paul au moment de son envoi en mission par les Apôtres : « Ils nous ont seulement demandé de nous souvenir des pauvres, ce que j’ai pris grand soin de faire » (Gal 2, 10).
Peut-on porter le souhait que l’Esprit-Saint souffle au prochain Pape : « N’oublie pas les saintes femmes », à qui Jésus est apparu en premier à sa Résurrection, et que le prochain Pontificat poursuive la marche de l’Eglise institutionnelle dans l’ouverture aux laïcs et aux femmes en particulier. Ce prochain Pape pourrait prendre le nom de Joseph en hommage à l’époux de la Vierge Marie, ou bien de Jean-Marie (Jean le disciple que Jésus aimait), pour être, en ce mois de Marie, le Pape d’une Eglise résolument mariale, modèle de fidélité, de pureté et de tendresse maternelle.
Beaucoup de Parisiens ont fait le pont du 1er mai pour aller s’aérer à la campagne, à la mer, à l’étranger, en famille, chez des amis. Ici, au-dessus du boulevard périphérique, l’air est vicié, et, avec les aménagements récents de la Porte des Ternes, les encombrements et les klaxons devant la Chapelle sont comme l’incivilité et l’agressivité en hausse permanente.
C’est pour d’autres raisons que les apôtres avaient quitté Jérusalem : ils étaient retournés au travail.
« Je m’en vais à la pêche » dit Pierre à Jacques et Jean les fils de Zébédée, pêcheurs du bord du lac quand Jésus était venu les chercher, et ils emmènent avec eux quatre autres disciples. C’est une tentation de revenir à ses pratiques d’autrefois, d’avant le Christ, d’avant la Résurrection, et ce n’est pas une chose à faire ni un exemple à donner.
D’où la gêne de Pierre quand il entend que le Seigneur est là, venu à nouveau le chercher : il passe un vêtement avant de se jeter à l’eau, de façon comparable à la honte de nos premiers parents quand « ils se rendirent compte qu’ils étaient nus » (Gn 3, 7).
La différence ou la nouveauté quand on compare cette scène à la pêche miraculeuse du début de l’évangile de saint Luc, quand Jésus n’était pas encore mort et ressuscité, est que dans saint Luc Jésus était dans la barque avec eux : ici il se tient sur le rivage.
Il les sauve à nouveau de l’échec, les sort de la désolation, pour les rendre capables d’entendre ce qu’il a à leur dire.
Quand ils parviennent auprès de lui, le Christ a déjà préparé le repas.
Que beaucoup d’hommes s’en inspirent !
Ce repas n’est autre que la messe : Jésus prend le pain et le leur donne. De même pour le poisson, qui sera le sigle des premiers chrétiens, Ictus, poisson en latin, acronyme de Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur. Il manque le vin de la fête parce qu’il faut que Pierre ait été pardonné de son triple reniement pour pouvoir être envoyé auprès de tous ceux et celles qui ont besoin d’être guidés, protégés, nourris : les petits, les pauvres, les personnes les plus vulnérables dont les agneaux sont les symboles, sans oublier leurs mères, les femmes.
Sois le berger de mes agneaux et de mes brebis. Tu seras le berger de mes agneaux si tu es le berger de mes brebis, parce que tu ne peux pas protéger les uns sans l’aide des autres. Tu seras à leur service avec leur aide. Ma grâce te suffit.
La place des laïcs, hommes et femmes, dans l’Eglise n’est pas une question de pouvoir : les commandements de Dieu sont les mêmes pour tous. Ce n’est pas une question de pouvoir ni d’organisation mais de conversion du cœur.
Le chemin est long qui a besoin de signes clairs.
Qui passe par l’affirmation que le machisme et la misogynie sont des péchés graves, encore plus de la part des prêtres et des évêques.
Par la possibilité pour les laïcs, hommes ou femmes, exerçant une fonction liturgique, lecteurs et lectrices de la messe, ministres de la communion, formateurs, formatrices, catéchistes lors de célébrations spécifiques, de prendre place de façon visible dans le chœur à côté des ministres ordonnés en tant que ministres délégués.
La lutte contre le cléricalisme passe par un recentrage sacramentel des évêques et des prêtres : qu’ils passent plus de temps à prier et célébrer qu’en réunions. Chacun sa mission. Et qu’ils n’aient pas peur de faire relire, quelques jours avant, leur homélie du dimanche par deux ou trois paroissiennes d’expérience, qui leur diront parfois de recommencer … Je le fais depuis vingt ans et je leur dois tant.
Il faudra des générations pour changer les mentalités, quand on aura compris que le triple péché de Pierre ne fut pas seulement son reniement mais sa triple incrédulité après l’apparition du Christ à Marie sa Mère, puis aux saintes femmes que les Apôtres ne crurent pas, et jusqu’au tombeau vide où le disciple bien-aimé le laissa entrer en premier : ce fut ce disciple que Jésus aimait et non Pierre dont l’évangile dit, quand il entra : « il vit et il crut ».
Vierge Marie, donne à l’Eglise de ton Fils, l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde, dont le plus ancien est le mépris de la femme, d’être toujours plus fidèle dans la foi et l’espérance, plus pure dans ses actes, et plus maternelle avec ses enfants.
Que l’Esprit Saint dise aux Eglises : « N’oublie pas les saintes femmes ».
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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