Dimanche de l'Epiphanie - 8 janvier 2017

Mt 2, 1-12

Si Joseph et Marie avaient été des juifs scrupuleux, à la façon dont les Pharisiens entendaient le respect de la Loi, ils n’auraient pas dû laisser entrer les mages, qui étaient des païens. Ils auraient également dû refuser ces cadeaux. Mais Dieu ne les a pas choisis en proportion de leur application rigoureuse de la Loi : il les a choisis pour leur foi, c’est-à-dire leur capacité à accueillir les dons de Dieu, à accepter avec confiance et simplicité les moments de bonheur comme les épreuves de la vie. Il les a choisis, à son image, pour leur capacité d’accueil. Lorsque des personnes étrangères à l’Eglise entrent dans la Chapelle, est-ce que vous croyez que Dieu dit en grimaçant : ‘tss, tss : pas baptisés !’ ?

Une fidèle paroissienne est venue me voir pour que je l’aide à y voir clair, discerner dans une histoire de famille. Un de ses enfants refuse toute relation depuis des années, et les enfants de cet enfant se comportent de la même façon, sans qu’elle en sache la raison. C’est une grande souffrance, même si ses autres enfants la soutiennent, et s’indignent contre leur frère. Et voilà qu’elle est invitée aux fiançailles d’un petit-fils de cette branche, non par le fiancé, qui ne lui a jamais présenté la future, mais par le père, ce fils compliqué. Elle se et me demande si elle doit y aller, vu les vexations accumulées, le fait que l’invitation est très froide, que ses autres enfants ne sont pas invités, etc.
Evidemment oui ! Oui, trois fois oui, au nom de ce que nous célébrons de la grandeur de Dieu, dont la devise est : Je prends tout ! Je prends toute occasion de rapprochement, toute possibilité de retrouvaille et de réconciliation, toute occasion de se retrouver, de découvrir et d’aimer.

Pareille question m’est posée par des parents dont un enfant vit une relation homosexuelle : il veut venir avec son ami chez nous ou à une réunion de famille. Il y a vingt ans, c’était avec une personne divorcée ; dans vingt ans, qu’est-ce que ce sera ? Ne plaisantons pas. Qu’en dites-vous ? Que doivent faire les parents ? Ils ont peur que ce soit contagieux ? Que ce soit un mauvais exemple à donner ? Parce qu’il faut accueillir les personnes en fonction du modèle qu’elles représentent ?

Nous avons trois critères à respecter.

D’abord, l’hospitalité joue dans les deux sens, dans un respect mutuel, respect des personnes qui sont accueillies telles qu’elles sont, et respect de celles qui les accueillent, et des règles de vie du lieu d’accueil. S’ils sont homosexuels, les couples invités n’ont pas à manifester de gestes entre eux quand la famille qui les accueille réserve le mariage au couple d’un homme et d’une femme. Quand je vais chez des amis d’une autre confession religieuse, j’assiste sans rien dire à leurs prières : je ne vais pas faire de signes de croix à tout va. De la même façon que les Musulmans qui entrent dans une église s’abstiennent de leurs pratiques habituelles.
Les mages n’étaient pas musulmans, mais ils ne se sont pas livrés devant Jésus à l’expression de leurs croyances : ils n’étaient pas chez eux. L’hospitalité, comme le respect est réciproque, qui se manifeste par un échange de cadeaux : il est normal d’apporter des présents à ceux qui nous reçoivent. Il ne s’agit pas de ‘payer’ sa visite ou son séjour mais de reconnaître, c’est le deuxième critère, que l’hospitalité  est coûteuse.
Saint Thomas d’Aquin le disait de l’obéissance : l’obéissance qui n’est pas coûteuse n’est pas de l’obéissance. Il en va de même de l’hospitalité : l’hospitalité qui ne demande pas d’efforts n’est pas de l’hospitalité. Nous vivons dans une société soi-disant urbaine ou urbanisée (si tant est que l’urbanité soit synonyme de courtoisie) où il est devenu inconvenant de débarquer, de venir sans prévenir, parce que ça dérange. Voilà ce que nos contemporains répondent à Dieu : il faut prendre rendez-vous.
Dieu, c’est le contraire. Il dit : je prends tout ! Je t’accueille tel que tu es. Au moment que tu veux. Je t’aime comme tu es. Toujours et partout.

Faites le test autour de vous : quels sont ceux de vos amis qui acceptent que vous veniez sans prévenir, à l’improviste, que vous les dérangiez ? Et demandez-vous si vous-même l’acceptez. Nous nous construisons une société inhumaine, qui ne veut plus laisser de place à l’inattendu, ou seulement quand cet imprévu est bénéfique et profitable.

Oui, une venue inattendue demande un effort, parfois surnaturel, pour rester aimable, souriant, accueillant : je suis bien placé pour le savoir, chaque fois qu’on sonne au presbytère, surtout à l’heure de la sieste. Cela suppose une disponibilité que l’Ecriture appelle la pauvreté. Malheur à vous les riches, dit Jésus, car vous avez votre consolation, qui n’est pas la ‘Consolation’ dont parle Isaïe, où le Consolateur est le nom de l’Esprit Saint.
Malheur à vous les riches, qui choisissez qui vous voulez accueillir. Qui les choisissez suivant vos goûts et vos envies. Nous serons accueillis dans le Royaume, auprès de Dieu, à la mesure dont nous aurons accueilli les personnes et les événements de notre vie.

L’hospitalité est réciproque. L’hospitalité est coûteuse. L’hospitalité est personnelle : elle est affaire de personnes, et non d’idées. Ce n’est pas parce que j’accueille une personne que je souscris à ses idées, que je ‘cautionne’. Pas plus que la personne que j’accueille n’est obligée de faire siennes les miennes. Dernièrement, j’ai célébré les obsèques d’un homme dont les deux filles étaient en bisbille avec l’Eglise. L’une m’a demandé de lire avant mon homélie pour contrôler, tandis que l’autre voulait intervenir en direct si elle n’était pas d’accord … Ma réaction fut peu amène (ça veut dire peu agréable, du mot aménité aussi disparu que l’urbanité), et je leur ai dit qu’elles n’avaient qu’à trouver un autre prêtre ou aller ailleurs, et puis finalement, à l’issue de l’entretien, j’ai pris leur adresse mail pour leur envoyer les textes, ce que j’ai fait : Dieu voulait qu’elles viennent rassurées, en confiance.

Mes amis, qui m’écoutez ou me lisez, vous n’êtes pas toujours d’accord avec ce que je dis, mais celui que nous cherchons est plus grand que ce que nous pouvons penser. Vous savez surtout que je suis comme Marie et Joseph qui voient les mages venus adorer l’enfant nouveau-né : il n’est plus leur enfant, il est Dieu, le Fils de Dieu. Ils prennent à cet instant conscience de leur immense responsabilité, devant l’enfant qui leur est confié.

Il en va de même de ma foi, de la foi de l’Eglise, de notre foi en Jésus-Christ, vrai homme et vrai Dieu. Rien de ce que j’en dis, ou de ce que je fais, ne devrait vous en éloigner. Et quand je m’en plains, quand je demande au Seigneur pourquoi il m’a confié une telle responsabilité, il répond en souriant : je prends tout. Dieu m’a accueilli tel que je suis pour que je puisse à mon tour vous rassurer : vous pouvez y aller. Son amour est tel qu’il peut tout purifier : c’est Lui le maître de la vie, et l’amour la règle de l’hospitalité. L’amour est réciproque ; l’amour appelle des efforts ; l’amour est affaire de personnes et non d’idées.

Je prends tout, dit Dieu, tout ce qui peut me faire aimer.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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