Commémoration des fidèles défunts - Vendredi 2 novembre 2018

1 Th 4, 13-14.17d-18 . Jn 14, 1-6

 

La commémoration des fidèles défunts va bien au-delà d’un acte de mémoire.

C’est une célébration religieuse d’action de grâce pour le bien qu’ils ont fait, et au premier chef leur fidélité, puisque c’est sous ce titre que nous les invoquons : les Fidèles défunts, qui ont été fidèles à Dieu dans l’exercice de leurs talents : ‘Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur.’

Nous rendons grâce et nous demandons pardon : pardon pour leurs péchés. Comme au jour de leurs funérailles, nous continuons à demander pardon. Combien de temps ? Combien de temps faut-il prier, continuer à prier pour un défunt ?

J’ai posé la question ici le mois dernier, lors d’une messe de requiem, du souvenir d’un jeune homme mort à vingt ans il y a trente ans, en 1988, et presque tous ses amis de l’époque étaient venus, fidèles amis vivants. Combien de temps faut-il prier pour un défunt avais-je demandé ? Jusqu’à ce qu’on le retrouve. Aussi longtemps qu’on est en vie, non par ignorance du temps qu’il faut pour sa purification, mais parce que la prière est notre mode éternel de relation les uns aux autres, aux vivants comme aux morts. La prière est notre mode de relation les uns aux autres, une façon de dire notre amour : je t’aime, je prie pour toi.

Aujourd’hui 2 novembre, nous donnons la priorité aux personnes décédées dans l’année, et je lirai que dis-je j’égrènerai comme une longue litanie la liste des noms des personnes dont les obsèques ont été célébrées ou préparées dans cette paroisse. En communion avec leurs familles et leurs proches, nous vivons un jour de deuil.

Ce deuil n’est vivable que dans l’Espérance. L’Espérance que les personnes que nous pleurons trouvent place auprès de Dieu, dans la joie, la paix et la lumière. L’Espérance que nous les retrouverons le moment venu auprès de Dieu.

Je voudrais préciser ce que signifie se souvenir, ce qu’est une commémoration.

Lors des obsèques nous entendons souvent les proches faire cette promesse : ‘nous ne t’oublierons jamais’. La promesse est même portée ou gravée sur les tombes, dans ces espaces du souvenir.

Or, l’anthropologie chrétienne nous demande de ne pas séparer la mémoire de nos deux autres facultés supérieures que sont l’intelligence et la volonté. Saint Augustin faisait de cette triade mémoire, intelligence, volonté, le signe de la présence en nous de la Trinité Sainte. Ses commentateurs l’appelaient la ‘trinité psychologique’. Il ne s’agit pas de chercher à approprier ces trois facultés humaines aux trois personnes divines, et se demander si la mémoire est le Père, l’intelligence l’Esprit, et la volonté le Fils, qui unit d’ailleurs sa volonté à la volonté du Père. Il s’agit de percevoir le lien des trois, leur inséparable unité.

Concrètement cela signifie qu’il n’y aurait aucun sens à se souvenir d’une personne en faisant le contraire de ce qu’elle aurait voulu, ou de ce qui aurait été bien pour elle.
Je pense aux petits-enfants qui rejettent la foi de leurs grands-parents et qui jurent dans des sanglots qu’ils ne les oublieront jamais. Je ne mets pas en doute leur chagrin ni leur sincérité : je m’interroge sur leur cohérence. Que veut dire se souvenir si c’est pour faire le contraire de ce qu’ils auraient voulu ? Quand c’est mal, soit, mais quand c’est bien ?

Vous connaissez cette expression couramment employée qui dit d’une personne, vivante ou défunte, qu’elle est présente en nos cœurs. Comme un mari infidèle qui prétend qu’il pense à sa femme, et qui fait effrontément le contraire. L’union des cœurs suppose la recherche d’une volonté commune, une cohérence d’action.

Cette distorsion entre mémoire et volonté est l’enjeu de notre conversion : se souvenir de Dieu pour faire ce qu’il veut.

S’agissant de nos défunts, l’objectif est de réconcilier deux pensées parallèles : une pensée pleine d’affection pour eux, et une pensée plus abstraite pour Dieu.

Or, prier pour les défunts, c’est leur demander d’entrer dans la volonté de Dieu.

Beaucoup se disent : ce n’est pas la peine de prier pour eux, Dieu leur pardonnera, puisqu’il est le Dieu de bonté et de miséricorde. Prier pour eux signifie en réalité leur demander à eux de se tourner définitivement vers Dieu.

Et la meilleure façon de le faire est de le faire nous-mêmes, dans notre vie, en imitant ce qu’ils ont fait de bien, notamment dans leur pratique religieuse, et en retirant de notre propre vie ce qu’ils auraient dû retirer de la leur, comme mauvaises habitudes, conditionnements culturels ou préjugés.

Aujourd’hui dans votre prière vous direz à chacun des défunts que vous aimez : ce que tu n’as pas fait ou pas fait jusqu’au bout dans ta vie, je vais le faire avec toi et pour toi. Je vais suivre ton exemple pour ce que tu m’as montré de bien. Et je vais corriger, réparer par mes propres actes ce qu’il te reste encore à purifier. Vous voyez que c’est concret !

Rendons grâce pour les défunts qui nous ont fait progresser dans la connaissance et le respect de la volonté de Dieu. Dont nous pouvons suivre l’exemple.

Demandons pardon pour leurs péchés, et pour les nôtres. Qu’ils soient purifiés de ces péchés pour pouvoir s’approcher de Dieu, et que nous en soyons nous aussi délivrés par la communion des saints.

Si je demande pardon pour le péché d’un de mes frères, c’est également pour en être délivré moi-même : ce n’est pas par condescendance mais par fraternité. C’est ainsi que notre prière est chrétienne, c’est-à-dire centrée sur le Christ : il est le modèle à suivre, dans son humanité, et le seul à pouvoir, par sa divinité, pardonner les péchés.

Voilà ce qu’est la commémoration des fidèles défunts : se souvenir du bon exemple donné.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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